Quand l’actualité est triste…si tant est qu’elle puisse être autre.

Il y a trois ans environ, j’avais publié, chez Monographic, à Sierre, un roman épistolaire intitulé “Epîtres à Théodule”. Lettres qui se situent quelque part entre les années 400 et les années 2000. Au vu de ce qui se passe au sein de l’Eglise catholique, notamment, je voudrais rappeler une lettre, datée du 26 mars 410. Elle me paraît n’avoir (malheureusement) pas pris une ride.

26 mars 410

Me revoilà, mon cher Théodule !

 

Comment vas-tu, dans tous ces vents de tempête qui soufflent sur notre Assemblée des Saints ? Hier, pour un opuscule d’informations de nos paroisses, j’ai écrit un véritable cri du cœur, à l’égard de l’Assemblée universelle des Saints. Je t’en envoie une copie, avec juste quelques légères retouches nécessaires au contexte.

Bonne lecture et dis-moi à l’occasion ce que tu en penses… J’embrasse toute ta maisonnée.

Tancrède

Je t’aime

Cela fait pratiquement 30 ans que je suis en ministère; cela fait un peu plus du double que j’ai reçu le baptême ; cela fait plusieurs dizaines d’années que je t’aime passionnément, mon Eglise ; je t’aime parce que tu nous as été donnée, parce que tu es tellement humaine, avec tes grandeurs et tes lâchetés, tes faiblesses et ta capacité de sainteté. Je crois t’être toujours resté fidèle, même si je t’engueule souvent. Je t’aime quand tu oses te réformer et te laisser déranger par l’Evangile. Ce fut si bon, ma jeunesse éclairée par ton Concile ! Si motivant.

Ces temps, te voilà blessée profondément; attaquée de plusieurs côtés. J’ai mal à toi, mon Eglise. Mais ne crois-tu pas que tu l’as un peu cherché, par tes silences parfois, par tes condamnations souvent? Ne crois-tu pas que c’est vraiment le moment de remettre en question certaines de tes certitudes? Oui, c’est le moment.

Tu l’as cherché…

…Quand tu as traumatisé des générations de croyants avec ton obsession du « péché de la chair », provoquant ainsi cette obsession malsaine et obscène de la pureté ; malsaine, parce que la recherche de la pureté à tout prix finit par être la pire perversion qui soit, notamment eu égard à la pureté fantasmée des enfants ; obscène parce que cela confine au voyeurisme ; je n’en dirai pas plus, sinon qu’il serait bien qu’aucune vocation ne soit motivée par ce type de quête, par exemple.

…Quand en ton sein, on se tait sur certaines vocations disons étranges ou quand on ne fait que déplacer les problèmes en d’autres lieux, donc, en clair, quand on attribue simplement un autre ministère à un presbytre en quête irrépressible d’êtres « purs » jusqu’à la perversion.

…Quand tu as peur de l’Esprit qui souffle fort et que tu fermes tous les huis, refusant de bouger ne serait-ce que d’un minuscule pouce. Que fais-tu dès lors du seul péché qui ne sera pas pardonné, celui contre l’Esprit ?

…Quand tu t’ériges en propriétaire de sacrements, te réfugiant derrière la doctrine, parfois avec une belle hypocrisie. N’as- tu pas compris que ce sont les « pécheurs » qui ont le plus soif de ton-Seigneur-que-tu-t’appropries ? Ne vois-tu pas la soif de pardon, la soif d’eucharistie de presque la moitié du Peuple de Dieu, Peuple à qui tu dis avec des mots atroces «vous vous êtes mis vous-mêmes hors de la Communion » ?

…Quand tu conditionnes la gratuité de Dieu dans ses sacrements à la doctrine intangible, irréductible, raide ; quand tu conditionnes le sacrement de l’ordination à l’absence de choix de vie amoureuse pour toute une vie, ne fais-tu pas une sorte de chantage ?

…Quand tu refuses le repas d’une Eglise aux traditions ou interprétations légèrement différentes, es-tu à l’aise dans tes bottes ? Qui es-tu pour affirmer que ton Jésus-à-toi est le bon ? Vois-tu que tu Le prends en otage ?

Moi, à mon petit niveau de pastorale des amours (réussies ou non), je vois tant de jeunes couples qui ont la foi rivée au corps, en fait ; oui, avec tous les refus et les jugements prématurés qu’ils essuient, ils continuent et persistent à nous demander un mariage en Eglise… Ils n’arrivent peut-être pas à bien dire les choses, à tout bien construire et structurer leur chemin de foi, bien sûr! Mais toi, mon Eglise, arrives-tu à bien dire les choses et à être toujours cohérente et compréhensible ? Vois-tu que tu portes le ferment de l’humanité accomplie, les prémices du Royaume ? Tu les portes, tu transmets un trésor, mais de tout cela tu n’en es pas propriétaire.

Tu vois, mon Eglise, j’ai de plus en plus l’impression de retrouver les schémas qui se vivaient dans l’enfance de ma mère… Désormais, nous ne reculons pas pour mieux sauter, non ; nous reculons par seule peur. Que fais-tu de la Confiance ? Que fais-tu des paroles de Christ dans la Tempête apaisée et de celles de Paul, malheureusement monopolisées sinon confisquées par un de nos patriarches d’Occident, il y a déjà bien quelques années : « N’ayez pas peur ! » ? Quand retrouveras-tu l’autre « shema » ? Shema’ Israël, écoute Israël.

Tu vois, mon Eglise, je rêve que tu sois toujours le Peuple de Dieu qui marche, et non pas une espèce de système qui campe sur ses positions ; j’aime quand tu éveilles ma liberté, notre liberté; j’aime quand tu es avec ceux qui se mettent debout; j’aime quand tu as du culot (mais c’est si rare!), le culot de Dieu, le culot de son Fils face aux galonnés de la religion de son temps, bardés de certitudes à asséner aux autres. Es-tu vraiment certaine que ton organisation religieuse soit si différente de celle qui était en place aux temps de Christ ?

Tu vois, mon Eglise, je rêve que nous soyons une famille de frères et sœurs, où l’on s’invite les uns, les autres, où l’on découvre la saveur et la richesse de l’un, sans préjuger de la foi de l’autre.

Tu vois, mon Eglise, je rêve que nous cessions de croire que nous avons le monopole de la vérité. Personne n’a la vérité, même pas Jésus. Lui, il EST la vérité, c’est quelque chose du verbe ÊTRE, et non pas avoir… Posséder la vérité, cela revient à vouloir posséder Jésus. Ceci me rappelle la phraséologie de tribus germaniques, il y a quelques années. «Dieu avec nous», en quelque sorte.

Vois-tu, mon Eglise, toutes ces personnes qui voudraient t’aimer, qui voudraient se sentir en famille, chez toi? Mais vois-tu aussi qu’à force, ils partent tous sur la pointe des pieds ?

Mon Eglise, c’est par amour pour le Peuple de Dieu, pour le Peuple et son Dieu, que je suis là à t’écrire ; c’est ton Souffle qui m’a appelé, il y a plus de 30 ans…

Alors tu vois, mon Eglise, je ne peux pas regretter ces 30 ans. Mais parfois, je dois lutter contre le poison du regret, contre la tentation de croire qu’on a perdu son temps, contre la démotivation et la fatigue morale. Et je me sais malheureusement pas seul dans ce cas.

Alors tu vois, toi, mon Eglise-qui-est-à-Genava, je te demande de prier avec tous ces ministres prêtres et laïcs, pour qu’ils puissent encore être décoiffés par l’Esprit qui t’anime, toi et toutes les autres Assemblées des Saints de par le monde, pour que ces ministres retrouvent courage. A nous tous, Peuple de Dieu de toute la Terre, je nous demande de nous remettre devant le Christ et de faire silence (mais un beau silence; celui des monastères) pour L’entendre… Et nous, Peuple de Dieu, je nous demande aussi et surtout d’agir en Eglise pour que des changements réels se fassent.

Et je crois très fort, aussi, que tant qu’il y aura des monastères, la prière et la simplicité des monastères, l’Eglise aura de quoi garder l’Espérance. Et il n’y a pas que moi, qui l’aime…

Tancrède

 

 

Un commentaire sur « Quand l’actualité est triste…si tant est qu’elle puisse être autre. »

  1. Le 4 juillet 2019
    Bonjour
    Je me permets de vous écrire par l’intermédiaire de ce formulaire de contact.
    Vous êtes le gendre de Gaby, amie de très longue date de ma mère Marie Louise Coppier (Gonthier). Nous nous sommes rencontrés chez ma mère à Albertville.Ce samedi, votre belle-maman doit venir voir ma mère qui est en maison de retraite temporairement, à Notre Dame des Vignes à Albertville.Votre belle mère a indiqué à ma mère qu’elle viendrait avec sa fille ce samedi à midi et qu’elles déjeuneraient avec elle à ND des Vignes.
    On a des numéros de téléphone de votre belle mère mais aucun ne répond et c’est pourquoi je vous écris en espérant que votre adresse est toujours bonne.Si vous le pouvez répondez moi très rapidement pour que ma mère retienne les repas.
    Mon tel : 06 82 22 05 21
    Mon adresse mail
    barral.mireille@orange.fr

    merci
    Bien cordialement
    Mireille

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